dimanche 13 mars 2016

Rétrospective et pensées du capitaine le jour de ses 59 ans




En 1997 j’achète mon premier bateau, un Poker de 8.5 m, je n’avais qu’une petite  expérience de voile sur lac et j’adorai la mer par rapport à la plongée.


Les images de ma première sortie avec ce bateau restent gravées dans ma mémoire, il était basé à Capbreton dans les Landes.
Il était  8h du matin, la mer était formée avec une houle importante dans le chenal de sortie et l’un des pêcheurs sur la jetée me  fait  un signe de croix en passant devant lui.

Je n’ai surement pas eu conscience des mauvaises conditions de mer,  il n’y avait  pas d’enrouleur de  génois et il fallait adapter le foc en fonction de la force du vent, les manœuvres étaient  délicates et je commençais  à m'inquiéter du retour sachant que les entrées dans ce port pouvaient être très dangereuses  par mauvais temps; il y avait des drames  pratiquement tous les ans.

Sa position plein ouest, le peu de largeur du chenal et les courants exercés par le lac d’Hossegore rendaient les conditions extrêmement difficiles sachant qu’il fallait calculer en permanence la hauteur de l’eau pour mon quillard.
Finalement le retour fût mouvementé sans problème particulièr, cette entrée de port nécessitait d'évaluer les vagues pour franchir l'entrée du chenal avec la plus petite.
Il est arrivé par la suite de nos virées de se dérouter sur d'autres ports compte tenu des difficultés.

Les noms de mes bateaux étaient dans l'ordre: Libertad, Voyager, Alizés  
  

ALIZES II est actuellement mon quatrième bateau, j’ai accumulé divers problèmes techniques et de navigations lors de mes multiples sorties en mer.


Les plus fortes expériences sont mes deux allers-retours au Sénégal et un talonnage lors d'un périple au Portugal.


Récits de mes missions pour Voiles Sans Frontières
Avec ALIZES II j’ai réalisé que je pouvais me lancer dans de grands périples, la traversée de l’atlantique était dans mes pensées.

J’ai consulté internet et découvert l’organisation Voiles Sans Frontières, leur site indiquait des interventions au Sénégal avec une possibilité d’interventions aux Caraïbes.

En réalité les Caraïbes ne faisaient pas partie de leur programme, cela dépendait d’un petit groupe de personnes  en Martinique qui n’avait même  plus de contact avec les instances de VSF en France.

Néanmoins, intervenir au Sénégal me séduisait, c’était un périple moins important que la traversée de l’atlantique, moins risqué dans mon esprit et une bonne expérience de navigation.

Fin 2010, je m’inscris à VSF, à l’assemblée générale en Mars 2011, un partenariat scolaire est mis en place entre l’école de primaire de Ste Marie  de Capbreton et l’école de Falia dans le Siné Saloum au Sénégal.

Nous  prévoyons de livrer avec ALIZES II du matériel scolaire avec l’une de mes filles Elodie comme coéquipière, la période retenu se situe sur juillet et aout 2011.

Le bateau se prépare tout doucement, je travaille, je ne suis disponible que les weekends et j’habite  à 270 km d’Hendaye à Agen.

Fin juin, nous allons à Capbreton avec le bateau pour le faire découvrir  aux enfants de l’école primaire, chaque bambin porte un paquet contenant du matériel scolaire destiné à l’école de Falia.

Cette rencontre d’une journée est émouvante et nous avons plaisir de partager ces échanges.

Nous avons le désir d’être respectueux de l’environnement, je fais l’achat d’un four solaire, une presse manuelle permet de comprimer les moindres déchets de manière à le stoker et les ramener en France.

Nous avons 360 litres d’eau et nous avons pour but de faire avec cette quantité pendant les deux mois et tout est à l’économie.

Nous avons en plus 120 litres d’eau minérale en soute      


Première mission VSF

Le 9 juillet 2011 est un grand jour, c’est le départ  pour le Sénégal, la préparation du bateau n’est même pas terminée, le radar et la deuxième éolienne seront installés pendant le voyage.

La traversée du Golfe de Gascogne est un peu musclée vers Gijon, les fixations de la grand-voile d’origine ont des signes de faiblesse et nous allons faires 3 escales techniques pour les réparer; arrêts à Ceidéra en Espagne, à proximité de porto au Portugal et un dernier au Maroc.

Après nous avons des problèmes de moteur qui nous obligent à faire 700 milles sans lui avec une arrivée à la voile de nuit dans la baie de Hann à Dakar                   

Nous livrons notre matériel à Falia dans une ambiance mitigée, c’est la période de vacances, il manque les enseignants sauf le directeur qui pense plus à sa situation personnelle qu’a son école.

Nous devions remettre la somme de 600 € aux responsables du village mais nous avons jugé avec l’un des administrateurs de VSF qu’il fallait sursoir dans l’immédiat à ce don

Je passe pleins de détails, c’est un autre monde, nous devons nous familiariser avec les us et coutumes africains.

Par contre, de retour au bateau laissé au mouillage  devant le village,  nous découvrons une grosse entrée d’eau dans le bateau, l’arbre d’hélice n’est plus étanche, nous revenons à Dakar, nous écopons en permanence puisque la pompe de cale ne fonctionnait pas.

Le bateau est sorti par un chariot roulant d’un autre âge depuis la plage de la baie de Hann devant le CVD, imaginez le déplacement d’une masse de plus de 9 tonnes sur une plateforme avec des pneus à la limite de l’explosion et un câble à la limite de la casse (même pas peur ces Sénégalais )

Un presse-étoupe à l’ancienne est installé et nous repartons de Dakar.

Au bout de 100 milles nous découvrons une déchirure du génois, l’un des tubes d’assemblage n’est plus solidaire et le guindant de la voile  est découpé.

Nous avons des débris de câble inquiétant sur le pont.

Nous roulons un peu le génois avec la grosse inquiétude d’avoir un étai détérioré, par contre la grand-voile avait été révisée par le célèbre Diégo à Dakar.

Nous devons faire une halte à Ténérife, nous avons pris du retard, Elodie doit rentrer en France pour un nouveau travail.

Je reprends la mer seul, je n’ai pas pu vérifier l’étai, j’ai donc une légère angoisse sur son état.

Je fais la remonté des Canaries  à Hendaye avec de bonnes conditions sans aucun problème et ses 15 jours de mer ont été révélateurs.

J’ai vraiment pris goût à la navigation, l’approche des côtes Espagnoles me désolait, j’allais retrouver la civilisation, le quotidien, le boulot.

Le 6 septembre j’arrive à Hendaye après 15 jours de mer en solitaire, un pur plaisir de navigation avec des conditions d’allure de près très acceptables.

Le bilan global nourriture est intéressant, nous nous sommes nourris à 70% de poissons  pêchés et cuits au four solaire.


Deuxième mission VSF du 27 décembre 2013 au 16 mars 2014

Le bateau est chargé d’un fauteuil dentaire complet avec d’autres bricoles dont l'ensemble est destiné au village de Niodior dans le Siné Saloum au Sénégal et tout cet ensemble  occupe une cabine complète

Nous devons  participer à une mission dans le village de Djinrda en soutien avec le bateau trimaran de VSF  Yobaléma, entre ces deux missions je suis devenu un des administrateurs de Voiles Sans Frontières et j'étais coordinateur adjoint à cette mission médicale qui est surtout orientée sur l'installation d'un cabinet dentaire itinérant.    

Mon coéquipier s’appelle Alain, il n'est pas très connaisseur en voile ce qui a valu des petites tensions dans les difficultés.

Le bateau avait subi une révision complète au niveau de son gréement et une trinquette sur enrouleur avait été  installée.

A nore départ fin décembre nous étions dans une série de dépressions et la traversée du golf s’annonçait compliquée, les fenêtres se referment plus vite que prévue, le force 6 devient 9 voir 10 en rafales.

La mer se forme, difficile d’évaluer la hauteur d’un minimum de 6 m.

Il m'est impossible de passer le cap Ortégal et nous restons bloqués 5 jours à Viveiro en Galice.

La reprise est un peu moins harde mais nous sommes souvent dans du force 8 et houle de 3 à 4 m.

Nous faisons un petit arrêt à l’ile de la Gomera aux Canaries et nous arrivons le 24  janvier à Dakar        

Le fauteuil et les bricoles sont  livrés au village de Niodior et notre mission se passe très bien.

Le retour n’est pas encourageant, il faut se taper 2500 milles en allure de près en s’approchant généralement des Acores.

Nous venons de faire 500 milles et dans une nuit agitée  l’ensemble génois et étai se désolidarisent de la proue du bateau.

Stupeur générale et demi-tour immédiat pour se retrouver vent arrière, la chape de maintien de l’étai est complètement déformée, à priori la goupille qui maintenant l’axe de la chape était mal fixée ou absente ( montage professionnel que je n’avais pas vérifié)               

Impossible de remettre en forme la chape d’où la nécessité de revenir au Sénégal en tentant d'arrimer au mieux l'ensemble pour ne pas abimer le pont et de subir un dématage.                             

Après réparation à Dakar et remontée sur 1000 milles, le câble de la triquette se cisaille dans sa fixation supérieure au niveau du mat.

Par ailleurs, la bordure du génois part en lambeau.

Nous sommes au niveau de Madère, donc arrêt à Funchal, pas de place à la marina, nous démontons toute la trinquette au mouillage et faisons réparer la voile du  génois.

Nous faisons la remontée sans encombre jusqu’à Hendaye à mi- mars 2014.

Nous avons fait plus de 3000 milles en allure de près et je n’ai plus l’intention de faire autant de distance avec cette allure  qui est éprouvante pour le bateau et ses occupants


Les anomalies sont un mélange de mauvaises préparations du bateau, de négligences, d'erreurs de manœuvres et  de mauvaises interventions de professionnels ce qui était la cas pour mes problèmes sur le génois et la trinquette, néanamoins il m'appartenait de vérifier   


Il y eu de nombreux découragements, j'ai déjà parcouru avec  ALIZES II  15000 milles depuis 2010.

Lors de son achat d’occasion, j’ai changé son nom,  je ne l’avais pas baptisé dans les règles maritimes et la  superstition n’est pas négligeable dans ce domaine.



En 2014 lors d’une fête de la mer à Hendaye nous l’avons baptisé avec Jamila en respectant le rituel.
Il fallait recouper le sillon 3 fois et bien indiquer à mon bateau et à Neptune son changement de nom avec un bon arrosage de l'évènement .
  

Ce bateau est une partie de nous-même, on lui parle, on l’encourage particulièrement dans les mauvaises conditions.


Je n'ai plus de timing à respecter comme ce fût le cas pour les missions VSF et il y aura moins de risques à naviguer 


Malgré toutes ces mauvaises aventures, j’ai fait le choix de vivre dans cette maison flottante avec Jamila pour une durée indéterminée, j’ai appris et j’ai encore beaucoup à apprendre.


Je lis de nombreux blogs de marins depuis nos arrêts aux Canaries et la liste des  avaries est assez semblable sur les bateaux, la narration des périples diffère, il y a du détail de navigation pour certains et d’autres sont plus accès sur les endroits visités.


Je n’ai aucune critique particulière sur ces blogs, je prends plaisir à les lire, ils sont instructifs, nous optons pour un panachage, c’est-à-dire pas trop de détail de navigation, nous ne sommes pas persuadé que les diverses manœuvres vont intéresser tout le monde et concernant les paysages nous allons retrouver du déjà vu, s’imprégner de la population me semble une bonne vision à commenter.


Notre blog évoluera, nos valeurs actuelles seront peut-être changeantes dans quelques temps.


La lecture de ces blogs relate de graves dangers, la perte du bateau, de personne, des agressions, néanmoins les dangers existent partout.


Lire ces évènements font froid dans le dos, il faut être prudent en permanence, parcourir les mers n’est pas un long fleuve tranquille, profiter d’une eau émeraude sous le soleil, de vues et de rencontres exceptionnelles se méritent et c’est la récompense.


Nous allons connaitre plein  de galères, la météo sera imprévisible, le vent s’imposera parfois violement, la mer nous gratifiera par moment d’une forte houle, nous devons être bien préparés et nous adapter aux évènements.


Mot de la fin du capitaine, il vient d’avoir 59 ans, nous l'avons fêté dignement avec Jamila  
 
59 ans et une cafetière, l'un de mes cadeaux de Jamila




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